Article paru dans La Provence le 20/03/2021
Installées sur les emprises des lycées Marseilleveyre et des Calanques (8e), ces parcelles expérimentales sont un outil unique de mise en pratique du maraîchage en cultures denses et durables
Au premier regard, le plan paraît brouillon et touffus. Puis, lorsqu’on s’approche, on devine les planches maraîchères rectilignes, la mobilisation des petits espaces, les cultures étagées sur différentes hauteurs pour ne rien perdre de la place disponible. Bienvenue à la ferme des Calanques, nouvel outil porté par le lycée agricole marseillais des Calanques et l’association Cultures permanentes, en partenariat avec le collège et lycée d’enseignement général voisin de Marseilleveyre. Lequel accueille les premières parcelles mises en culture.
Sur le modèle de l’agroforesterie tropicale
“L’idée remonte à 2016, avec la volonté de valoriser les espaces libres de Marseilleveyre, explique Jeanne Diwuy-Lapujade, codirectrice de Cultures permanentes. Le projet s’est ensuite naturellement intégré à la mission du lycée agricole des Calanques.” Composante du Campus Nature Provence avec l’autre lycée agricole de l’aire métropolitaine, Valabre, les Calanques forment des paysagistes, des spécialistes de la gestion des espaces verts ou naturels…
Les porteurs du projet ont su profiter de la drôle d’année dernière pour faire discrètement pousser leur idée. À compter de février 2020, les premiers travaux ont commencé sur 4 000 m² de terrain du lycée Marseilleveyre. Quatre autres parcelles seront aménagées d’ici 2022. “On avait ici des sols très compactés, mélangés de remblais de construction du lycée”, se souvient Romain Criquet, codirecteur de Cultures permanentes, chargé de la mise en culture de la ferme et passionné de la vie des sols.
Si les terres agricoles se dégradent très vite, on sait aussi les rénover. “On avait une bonne base d’argile et de limon, poursuit-il. On a décompacté, en amenant du compost, du fumier de cheval (récupéré chez les voisins du centre équestre Pastré et de la compagnie du Centaure, Ndlr) et du broyat (fourni par des sociétés d’élagage du secteur).“
Au cours des mois qui ont suivi, quelque soixante arbres et deux cents arbustes (pêchers, abricotiers, figuiers, noisetiers, framboisiers, grenadiers, cassis…) ont été plantés sur les deux parcelles rénovées. Près de deux cents arbres ou arbustes supplémentaires viendront les rejoindre dans le courant de ce mois. Le tout entrelardé de plantes aromatiques et semis de légumes (fèves, artichauts, asperges, courgettes…).
Alimenter les cantines et le voisinage
“En l’adaptant à notre climat et nos cultures, on s’inspire du modèle d’agroforesterie tropicale“, précise Romain Criquet. Soit une forte densité de plantation et un grand mélange d’espèces végétales, à vocation de production mais aussi d’alimentation des parcelles en broyat, paillis et compost, dans un cercle vertueux qui se veut au maximum autosuffisant. Dans cette même optique, une pépinière est également intégrée à la ferme, pour ne pas dépendre des grands grainetiers.
En mai dernier, après les premières mises en culture, 1 600 kg de légumes ont été récoltés puis commercialisés auprès de la cantine du lycée des Calanques (qui, en retour, fournit des déchets pour le compost) et des voisins du quartier. “On va essayer de coller aux besoins et à la saisonnalité des cantines des lycées dans notre gestion des cultures, pour pouvoir les fournir en aliments frais et locaux“, poursuit Romain Criquet. Une fois le rythme de croisière atteint, le surplus continuera a être écoulé auprès des habitants du secteur, via un système d’Amap ou de mini-marché encore à définir. L’association Cultures permanentes y gagnera un complément de revenus pour équilibrer ses finances.
Les deux établissements scolaires qui accueillent la ferme ne sont pas en reste dans la valorisation du projet. Marseilleveyre y trouve l’occasion d’amener ses collégiens et lycéens urbains sur les parcelles pour les reconnecter aux rythmes naturels et à l’alimentation paysanne. Le lycée des Calanques s’est déjà saisi de ces espaces pour mettre en pratique quelques-uns de ses enseignements. Mais l’intérêt de la ferme des Calanques va bien au-delà. La structure maraîchère expérimentale pourrait être l’outil d’un réveil de l’enseignement agricole sur le thème de la paysannerie urbaine. Très au point sur les grandes cultures céréalières, la viticulture, l’élevage…, les lycées agricoles peinent encore à se saisir de ce nouveau sujet, le plus souvent porté par l’initiative associative. Les choses pourraient bien commencer à changer depuis quelques parcelles du 8e arrondissement marseillais.
Les autres partenaires du projet : la Région, la Métropole, le ministère de l’Agriculture, l’académie d’Aix-Marseille, le Laboratoire population environnement développement (Aix-Marseille université/IRD) et l’Institut technique de l’horticulture.
https://www.laprovence.com/article/ecoplanete/6298937/la-ferme-des-calanques-va-faire-bouillonner-lagriculture-urbaine.html